Tchad et France : une rupture qui interroge l’avenir des alliances africaines
- Acyl Mahamat Kosso
- 26 janv.
- 3 min de lecture
Le Tchad, nation centrale dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, a récemment annoncé la fin de sa coopération militaire avec la France. Une décision qui résonne comme un signal fort dans une Afrique francophone où les liens historiques avec Paris sont de plus en plus contestés. Si ce divorce semble s’inscrire dans une tendance régionale, il soulève également des questions sur l’avenir sécuritaire du Sahel et sur les alternatives stratégiques pour N’Djamena.
Le Tchad : pilier stratégique ou rouage d’un système dépassé ?
Depuis des décennies, le Tchad a été l’un des principaux partenaires militaires de la France dans le cadre des opérations anti-terroristes, notamment à travers la mission Barkhane. Ses troupes, réputées pour leur robustesse, ont souvent servi de rempart contre l’expansion des groupes armés dans la région.
Mais à quel prix ? Cette coopération, bien qu’efficace sur certains aspects, a parfois été perçue comme un prolongement des rapports néocoloniaux. Pour beaucoup de Tchadiens, la présence française, bien que justifiée par des impératifs sécuritaires, symbolisait une emprise étrangère qui limitait l’autonomie réelle du pays.
Une rupture qui s’inscrit dans un contexte régional
Le Tchad n’est pas un cas isolé. Ces dernières années, plusieurs pays africains ont remis en question leurs relations avec la France. Du Mali au Burkina Faso, en passant par la Centrafrique, le rejet de l’influence française s’est accompagné d’un repositionnement stratégique.
L’annonce du retrait tchadien intervient aussi peu après des exercices militaires conjoints avec des pays comme le Mali et le Burkina Faso, qui, eux, se sont tournés vers d’autres partenaires, notamment la Russie. Si le Tchad n’a pas encore clairement défini ses nouvelles orientations, cette rupture pourrait marquer le début d’un basculement vers une coopération Sud-Sud renforcée.
Djibouti : le dernier bastion de l’influence française ?
Face à l’érosion de son influence au Sahel, la France maintient une présence militaire significative à Djibouti, un point stratégique à la jonction de la mer Rouge et de l’océan Indien. Ce petit pays, qui abrite l’une des plus importantes bases militaires françaises à l’étranger, joue un rôle clé dans le contrôle des routes maritimes internationales.
Toutefois, cette présence n’est pas exempte de critiques. Si Djibouti semble encore favorable à cette coopération, la montée des sentiments anti-français ailleurs en Afrique pourrait influencer les dynamiques locales. Dans un monde où les puissances comme la Chine, les États-Unis ou encore la Turquie investissent massivement en Afrique, Paris devra justifier davantage sa pertinence.
Quelles alternatives pour le Tchad ?
En rompant avec la France, le Tchad s’expose à plusieurs défis. Lutte contre Boko Haram, instabilité régionale, pression économique : les enjeux sont nombreux et complexes. Pour les affronter, le pays devra diversifier ses partenariats et renforcer ses alliances régionales.
Si des rapprochements avec des États comme le Mali ou le Burkina Faso semblent possibles, il est crucial que le Tchad préserve son indépendance stratégique. Une dépendance excessive à de nouveaux partenaires, qu’ils soient russes ou chinois, ne ferait que reproduire les erreurs du passé.
Un tournant pour la France et l’Afrique
La rupture entre le Tchad et la France est un nouveau coup porté à l’ancienne puissance coloniale. Elle illustre une crise de confiance plus large entre Paris et ses partenaires africains, exacerbée par des perceptions de déséquilibres dans les relations bilatérales.
Pour la France, l’urgence est claire : abandonner le modèle paternaliste au profit de partenariats basés sur l’égalité, le respect mutuel et le soutien aux initiatives locales. Pour l’Afrique, il s’agit de définir une voie véritablement souveraine, fondée sur des priorités endogènes et des institutions solides.
Vers une refondation des relations internationales africaines ?
Le Tchad, en quittant le giron militaire français, ne fait pas qu’affirmer son indépendance. Il pose une question fondamentale : quel modèle de coopération l’Afrique veut-elle pour le XXIe siècle ?
Il ne s’agit pas simplement de remplacer un partenaire par un autre, mais de construire un cadre nouveau, où les intérêts des peuples africains sont au centre des décisions. Car au bout du compte, la souveraineté ne se limite pas à un choix politique : elle se vit dans les faits, à travers la capacité à protéger, à gouverner et à prospérer.
Le Tchad, comme ses voisins, est à un carrefour. L’histoire jugera si cette rupture avec la France aura été un saut vers l’autonomie ou une manœuvre symbolique sans lendemain. Mais une chose est certaine : l’Afrique d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier. L’avenir s’écrit désormais avec audace, lucidité et ambition.
Un très bel article qui explique la situation entre le Tchad et la France !