Mercosur : un marché global, des agriculteurs locaux sacrifiés
- Loriane Matrat
- 14 déc. 2024
- 5 min de lecture
Le Mercosur, accord de libre-échange entre l’Union européenne et plusieurs pays d’Amérique du Sud, suscite une vague d’inquiétude et de contestations. S’il promet des opportunités pour l’industrie, il menace gravement le secteur agricole européen, déjà fragilisé, tout en posant des défis environnementaux majeurs. Entre division des États membres, colère des agriculteurs et mobilisation des ONG, cet accord cristallise des tensions, remettant en question l’avenir d’une agriculture locale et durable.

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Qu’est ce que le Mercosur ?
Le Mercosur, également appelé Marché commun du Sud est un accord de libre-échange créé en 1991. Cet accord est actuellement composé de six États : l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et le Venezuela, qui en est en partie suspendu depuis 2016, et ce pour des accusations de violation des droits de l’Homme. Le Mercosur associe également d’autres États d’Amérique du Sud, qui y jouent aussi un rôle clé. Le sujet du Mercosur est discuté depuis 1999 entre les États sud-américains membres de cet accord et l’Union Européenne, alors composée de 15 pays. Le but de cet accord est la libre circulation des biens et des services. Un accord de libre-échange fut finalement signé entre l’UE et le Mercosur le 28 juin 2019, les principaux objectifs de cet accord sont alors d’accroitre les relations commerciales ainsi que de promouvoir la coopération entre ces deux régions. Cet accord concerne ainsi de multiples secteurs tels que l’automobile, le textile, le secteur pharmaceutique, et bien sûr l’agriculture. En l’occurrence, ce dernier secteur soulève de nombreuses inquiétudes et créé de multiples débats au sein même de la sphère politique française ainsi qu’au cœur du monde agricole.
Pourquoi fait-il autant débat ?
Cet accord mené entre l’Union Européenne et la région sud-américaine constitue en quelque sorte un échange de concessions. De multiples secteurs d’activité tels que l’automobile et l’industrie pourraient en effet tirer des bénéfices de cet accord, tandis que d’autres, comme les secteurs alimentaire et agricoles pourraient eux en pâtir. Les dépréciateurs de cet accord considèrent qu’il contribue à importer davantage de produits agricoles au sein de l’UE. Ainsi, de nombreux syndicats tels que la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA), les Jeunes Agriculteurs (JA) ou la Confédération paysanne s’insurgent de cet accord qu’ils considèrent comme de la concurrence déloyale à l’agriculture française.
Il est vrai, pour la majorité des produits qui seraient importés au sein de l’Union Européenne, la plupart ne rempliraient pas les règles que l’on impose aux agriculteurs français. Cet accord impacterait en effet énormément le secteur agricole, qui subit d’ores et déjà de nombreuses crises depuis de multiples années. Au-delà de la Politique Agricole Commune sans cesse remise en question au sein de ce secteur d’activité, ou encore de la grippe aviaire, maladie animale impactant fortement les éleveurs avicoles, les agriculteurs devront désormais faire face à une énième crise, celle de l’ouverture de son marché aux États sud-américains.
Quel serait son impact sur l’agriculture française ?
En France, bien que le secteur agricole soit extrêmement vaste et que de nombreuses visions de l’agriculture subsistent, une seule même opinion persiste au sujet du Mercosur : cet accord serait un drame pour l’agriculture française. Même si Bruxelles tente de rassurer la filière agricole européenne, la mise en place de cet accord pourrait tout de même déstabiliser considérablement ce secteur d’activité. Pour de nombreuses exploitations, en particulier les plus petites, Quel impact face au changement climatique ? cet accord s’ajouterait ainsi à la longue liste des combats à mener afin de pouvoir survivre en étant agriculteur. En effet, pour bon nombre d’agriculteurs, cette possible concurrence déloyale pousserait les agriculteurs à davantage s’industrialiser afin de produire plus et faire face au manque à gagner, et amènera donc ce domaine à s’endetter encore plus. L’achat d’une ferme constitue un investissement colossal, en autorisant cet accord, cela reviendrait à passer la charrue sur les petites exploitations. Cet accord reviendrait à tendre vers une hégémonie des cultures céréalières intensives, au détriment des petites exploitations. Cette agriculture locale pourrait n’être qu’un lointain souvenir.

Quel impact face au changement climatique ?
Au-delà de la vision critique effectuée de la part des syndicats agricoles au sujet de cet accord, de nombreuses Organisations Non Gouvernementales s’insurgent également de cet accord et des conséquences que celui-ci pourrait avoir sur le climat. Cet accord est en effet très critiqué puisqu’il rassemble de nombreuses acteurs très divers afin s’unir contre celui-ci ; Organisation Écologistes, agriculteurs, ONG spécialisées dans la santé alimentaire… Du point de vue écologique, cet accord conduirait à l’accroissement des émissions de gaz à effet de serre dû à l’intensification des échanges commerciaux et des flux de marchandises, qu’ils soient maritimes ou bien aériens. De surcroit, les normes environnementales européennes et américaines sont aux antipodes. Le Brésil, par exemple, mène des politiques de déforestation de masse, afin de disposer de davantage d’hectares de terres arables ou bien d’enclos pour du bétail.
Une Union Européenne divisée face à cet accord
Tout comme de la France, d’autre États membres de l’Union européenne se montrent inquiets face à la mise en place d’un tel accord avec le Mercosur. Parmi eux, la Pologne, l’Autriche, les Pays-Bas, l’Irlande ou l’Italie par exemple, où les agriculteurs ont tenté d’interpeler la Première Ministre, Giorgia Meloni, les agriculteurs français ne sont en effet pas les seuls à se montrer préoccupés par cet accord et les impacts que celui-ci pourrait avoir sur le marché agricole européen. De son côté, la Pologne, exprime quand-a-elle de « sérieuses réserves » au sujet de cet accord. Cependant, l’UE se montre profondément divisée à ce sujet puisque d’autre part, l’Allemagne souhaite élargir son marché de l’automobile à l’Amérique du Sud et considère que cet accord apporterait d’importants bénéfices à son marché de l’automobile. Dirigeons-nous ensuite chez nos confrères espagnols où ici l’accord avec le Mercosur semble être nécessaire stratégiquement selon le gouvernement, en dépit de l’inquiétude suscitée auprès des agriculteurs.
Face à une Union divisée, des agriculteurs menacés et une agriculture en danger, la situation semble plus que jamais préoccupante. Des manifestations ont ainsi eu lieu partout en France, des milliers de panneaux de villes et de villages se sont ainsi retrouvés bâchés, un an après avoir été retournés par ces mêmes agriculteurs. Des milliers d’agriculteurs se sont ainsi rassemblés dans les villes, devant les préfectures pour dire non à cet accord. Des feux de la colère ont été allumés, du lisier fût déversé sur les façades des préfectures, dans l’espoir de faire germer une idée, celle d’un renouveau agricole. C’est ainsi avec un ultime geste de désespoir que les agriculteurs sont montés dans nos grands villes françaises afin de faire entendre leurs voix, leur mécontentement, et ainsi semer des graines d’espoir.

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